Il y a dix annees, il semble s’i?tre lance au sein d’ l’edition “pour sauver sa peau”. Frederick Exley, Steve Tesich. l’editeur bordelais publie peu, mais bien, et deniche des pepites Outre-Atlantique qui font nos beaux jours de Monsieur Toussaint Louverture.
Son nouveau travail n’est nullement tres excellent, mais sa femme est contente : le garage une maison a pu etre enfin debarrasse du stock de livres qui l’encombraient.
Jusqu’a present, Dominique Bordes travaillait a domicile, chez lui, a Begles, uniquement pendant des heures libre, fabriquant a l’ancienne d’excellents romans d’aujourd’hui. On nos localise rapidement en librairie : Notre Dernier Stade de la soif, de Frederick Exley, Karoo, de Steve Tesich, Mailman, de J. Robert Lennon, Demande et tu recevras, de Sam Lipsyte. Plusieurs volumes races, reconnaissables a un epaisse couverture sable ou grise et a votre curieux nom d’editeur, « Monsieur Toussaint Louverture », sans parente avec l’ancien esclave qui a conduit la revolution haitienne, a ceci pres que la plupart de ces romans portent eux aussi un vent d’insoumission. Ils font dix annees, quand il a lance une revue, devenue plus tard maison d’edition, le Bordelais aurait pu tout aussi bien l’appeler « Felicite Tonnerre » ou n’importe quelle association de mots, pourvu que ca sonne ; en litterature, c’est comme en musique, tant que ca sonne, bien va bien.
“Je suis au purgatoire. A chaque livre, bien va s’effondrer.”
Dominique Bordes vit desormais a temps plein de sa excellente oreille. Grace a toutes les dernieres pepites qu’il a denichees outre-Atlantique – best-seller inattendu, son Karoo s’est vendu a environ 50 000 exemplaires –, il ?uvre a le compte dans votre petit travail de Cenon, a l’est de Bordeaux, degote il y a quatre mois. Un lieu entoure de batiments sans ame, qui a pour principal merite de l’isoler du reste de l’univers. Car l’homme qui se cache derriere Monsieur Toussaint Louverture bosse dur – et claque savoir –, au point qu’on s’en veut presque de lui voler une apres-midi pour qu’il nous raconte comment on devient l’un des editeurs francais nos plus en pointe en sevissant depuis la peripherie bordelaise, avec concernant voisin votre loueur d’echafaudages qui ecoute tous les jours le aussi disque d’Elvis…
« j’suis au purgatoire, dit-il. Ici, c’est plus Complique qu’a Paris. Ma maison d’edition a reussi, mais doit toujours prouver qu’elle sait faire. A chaque livre, tout va s’effondrer. » Crane lisse a Notre Zidane, yeux bleus lessives par des heures de lecture, l’editeur a 1 cote moine-soldat, alternant periodes d’ascese et phases de combat. L’un des anciens collaborateurs le decrit « impulsif, obsessionnel du detail, un maniaque qui doute de tout, mais ne laisse jamais rien au hasard ». On le devine intranquille et boulimique, avec la voracite de ceux ayant decouvert la lecture via le tard (« C’est Stephen King qui m’a conduit a Faulkner »). Apres des etudes erratiques (theatre, socio, communication) et une frequentation assidue des squats d’artistes bordelais, Dominique Bordes devoile s’etre lance dans l’edition en 2004 Afin de sauver sa peau, « sortir de la phase ma vie ou j’etais en train de me detruire, de tout foutre en l’air ». Cela ressemble des fois aux personnages qu’il publie, capables de dire « nonobstant » et « encule » dans la meme phrase. Litterairement, il semble s’i?tre vite entiche des comiques ecorches et des « losers clairvoyants », qui lui ont permis d’explorer ses « propres nevroses ». Une galerie de narrateurs alcooliques et depressifs, comme celui de Karoo ou ceux de Frederick Exley, l’un des premiers succes maison. « J’ai publie ces auteurs Afin de me sentir legerement moins seul. Mes lecteurs seront venus apres coup, comme votre effet collateral. » de nos jours, il parait limite gene que ca plaise autant, que des lecteurs de toute la France aient vraiment fini par lui payer sa therapie.
“Moi, je serais plutot dans le tantrisme editorial.”
Depuis trois annees, il voit sa cote grimper. Notre presse lui a taille une reputation de decouvreur hors pair, publiant peu et visant juste, a rebours de « l’incontinence editoriale » actuelle. « Moi, je serais plutot au tantrisme editorial », dit-il. Cela sort rarement environ trois titres par an, dont bon nombre d’Americains inconnus, a defaut de pouvoir surencherir sur les droits d’un Stephen King ou d’un Dave Eggers. Mes manuscrits francais ne l’interessent nullement. « Manque assez petits. » Il cherche la perfection ailleurs. Et detecte des documents oublies avec une methode speciale, a l’intuition – « Je ne lis rien en anglais » –, achetant ainsi des ?uvres anglo-saxonnes meconnues sans des avoir lues, juste en se fiant a ce qu’il percoit de leur teneur, de leur aura, a travers nos commentaires qu’elles ont pu susciter ici et la, chez les ecrivains ou les critiques. Il requi?te ensuite a un lecteur anglophone – qu’il recrute en general via Facebook – de confirmer son impression en lisant le roman. Ensuite, il fera circuler l’objet a d’autres, embauche un collaborateur et retravaille sans relache le propos avec une flopee de benevoles (l’ensemble de credites a J’ai fin de l’ouvrage) ; ce qu’il appelle le « processus d’excellence » pour parvenir au texte « sublime » que celui-ci s’est imagine en achetant les droits. Pour Et quelquefois j’ai https://datingmentor.org/fr/brazilcupid-review/ comme une grande idee, le deuxieme roman de Ken Kesey (l’auteur de Vol au-dessus d’un nid de coucou), le projet a commande dix ans, sollicitant une quinzaine de gens. Mais quand il tient un roman de ce calibre, ses yeux se mettent soudain a petiller comme quand il venait d’acquerir un pur-sang, pret a prendre l’integralite des paris.